EGLISE DE RENNES-LE-CHATEAU

09/11/2007

L’EGLISE SAINTE-MARIE-MADELEINE


L'excellente étude qui est proposée ci-dessous a pour auteur M. Michel Verrot, architecte, qui la rédigea en 1995 à la demande de l'association Terre de Rhedae. Ces quelques pages décrivant l'église Sainte Marie-Madeleine de Rennes-le-Château sont donc extraites d'un travail beaucoup plus volumineux produit dans le but de la rénovation future du bâtiment religieux. Ce texte est probablement le meilleur travail descriptif qu'il soit donné au chercheur de connaître. Nous lui en souhaitons bonne, agréable et intéressante lecture.

L’église Sainte-Marie-Madeleine est inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques par arrêté du 26 juillet 1994.

L’église est implantée au nord-est du village, au bout de la Grand-Rue. Elle est insérée dans un ensemble monumental aménagé pour l’essentiel à la fin du XIXè siècle par l’abbé Saunière. Ces travaux qui ont également concerné l’église elle-même ont eu un effet perturbant sur la présentation du monument qui paraît sur son côté sud, fait d’éléments disparates juxtaposés. Il faut passer le portail du cimetière pour découvrir sur la partie nord du chevet des formes anciennes plus homogènes.

PLAN 1

DESCRIPTION :

A l’extérieur :
La face nord du monument, relativement homogène est marquée par le grand clocher de plan carré adossé à la façade quasiment aveugle de l’église.
Les seules ouvertures sont celles percées au XIXè siècle au cours de l’aménagement de l’abbé Saunière.
Le clocher dont seule la souche (sur une hauteur de 5,30 m, comme en témoignent les parements intérieurs) appartient à une étape de construction primitive, est inégalement percé dans sa partie haute de baies grossièrement cintrées.
Le chevet est orné de lésènes reliées à leur sommet par des arcs doubles dont la retombée est portée par de petits cul-de-lampe sans ornementation sculptée. Cette disposition ornementale a disparu sur le demi périmètre sud de l’abside.
La petite baie d’axe dont on distingue encore l’appui a été remplacée lors des travaux de Saunière, par une grande baie circulaire surdimensionnée, qui a entraîné le relèvement de l’égout originairement couronné d’une simple dalle en entablement. Les quelques témoins en place de cette disposition peuvent laisser penser que l’église fut à une époque couverte en dalles de pierre (lauzes ?).
Il semble enfin, qu’une litre funéraire dont il ne reste que la bande d’enduit support, fut peinte sur le pourtour de l’édifice à une époque antérieure aux grands travaux de Saunière.

Au sud, la profusion d’éléments rapportés ne permet plus de lire les dispositions du monument original : La sacristie et son excroissance en forme d’absidiole sont posées contre la dernière travée et le chœur ; les larges contreforts bâtis en moellons ne paraissent pas appartenir à la même campagne de construction que le chevet et la souche du clocher.
Il convient de noter en outre la non correspondance des embrasures intérieures et extérieures des ouvertures de la nef : le respect à l’intérieur du rythme voulu par l’abbé Saunière a conduit à un décalage par rapport aux ouvertures préexistantes dont les encadrements à l’extérieur peuvent être attribués au XVIIè ou au XVIIIè siècle.
Le porche, ouvrant sur la première travée du sud, est couvert d’une toiture à forte pente, portée par des murs constitués de pierre de taille de récupération.
Le portail en grés taillé ainsi que le tympan qui le surmonte sont richement ornés et enrichis d’inscriptions qui ont fait l’objet de nombreuses analyses et polémiques : Statue de Marie-Madeleine, inscriptions de dédicaces, armes et devise de Léon XIII (à noter que ces dernières sont souvent reproduites à cette époque - entre 1873 et 1903 - lors des travaux d’embellissement des édifices religieux : Saint-Sernin de Toulouse, Saint-Mathieu de Perpignan et même en Cévennes dans la toute petite chapelle de Saint-Saturnin de Bédoues). Ils constituent le premier véritable contact avec le projet de l’abbé Saunière qui se développe à l’intérieur de l’église.
Les antéfixes et faîtages en céramique vernissée et le rang de génoises apportent la dernière touche d’« embellissement » à cette façade sud.

A l’intérieur :
Le plan :
L’église est composée d’une nef unique à trois travées oblongues inégales précédant une travée (de chœur ?) plus étroite et une courte travée trapézoïdale ouvrant sur l’abside semi-circulaire.
Le clocher se greffe au nord sur la troisième travée.
Les trois travées de la nef sont couvertes d’un berceau en anse de panier ponctué d’arc doubleaux aplatis retombant sur de larges piliers carrés.
La travée de chœur et la courte travée trapézoïdale sont couvertes en berceau plein cintre.
L’abside est voûtée en cul de four.

L’élévation intérieure :
L’élévation intérieure entièrement recomposée par l’abbé Saunière est composée d’arcs formerets lancés entre les piliers de la nef et du chœur encadrant des fenêtres à linteaux en plein cintre. Cette élévation artificiellement rythmée est couverte d’un décor peint en 1897 reprenant le vocabulaire ornemental caractéristique de l’époque : appareil simulé, frises au pochoir ou poncifs, festons, tentures et semis d’étoiles sur fond bleu. Ce type de vocabulaire décoratif est courant à la fin du XIXè siècle : voir dans la région : Saint-Mathieu de Perpignan, Estagel, Sallagouse par exemple.

Le mobilier et les vitraux complètent l’aménagement de l’abbé Saunière : la chaire et l’autel sont de 1887 ; les bas reliefs, chemin de croix, statues, bénitier, de 1896-1897.

ANALYSE DES FORMES ET DES STRUCTURES :

Les structures :
Le chevet :
La maçonnerie de petit appareil de moellons éclatés et correctement assisés qui se reconnaît sur la face nord du chevet se retrouve dans toute la partie basse du clocher.
La nef et le sommet du clocher :
Les contreforts sud, mais également les murs goutterots de la nef et la partie haute du clocher sont bâtis en moellons grossièrement assisés.
Les structures intérieures :
Deux procédés distincts semblent avoir été employés pour les travaux d’embellissement commandés par l’abbé Saunière :
Dans les trois travées de la nef, il a été réalisé une véritable coque intérieure en brique (épaisseur : 7 cm environ) appliquée sur les maçonneries anciennes. La voûte elle-même est de type sarrasine. La nef de l’église primitive n’était pas voûtée.
Ces structures ont été habillées d’un épais enduit au plâtre ou de mâchefer sur la voûte, support du décor peint.

Dans la travée du chœur, dans l’abside et sur les piliers de la nef, seul l’enduit épais semble avoir été appliqué sur les supports anciens, y compris sur les voûtes anciennes.
Dans l’abside il est possible de reconnaître un décor antérieur à celui de Saunière sur un premier enduit qui n’est probablement pas antérieur au début du XIXè siècle.
Nous avons déjà fait état du décalage entre les fenêtres percées dans la coque intérieure et les percements anciens de la nef.

Les formes :
L’analyse des formes complétée utilement par l’étude métrologique permet de distinguer deux parties distinctes constituant l’église Sainte-Marie-Madeleine actuelle.

Le chevet :
Le chevet ainsi que probablement la souche du clocher répondent assez bien aux caractéristiques du premier art roman méridional qui se répand sous l’influence lombarde à partir du Roussillon au cours du XIè siècle :
- Appareil de moellons taillés sommairement montés en assises régulières à gros joints.
- Lésènes réunies à leur sommet par de petites arcatures retombant sur de petits modillons.
- Abside semi-circulaire ouverte sur la nef par l’intermédiaire d’une travée de chœur plus ou moins profonde, cette partie étant le plus souvent la seule voûtée.

La forme trapézoïdale de la courte travée précédant l’abside n’est pas une originalité unique : elle se trouve à Brissac (Saint-Etienne-d’Issensac) et à Saint-Guilhem-le-Désert où elle est consécutive à des transformations postérieures au premier monument.

La nef :
L’épaisseur plus réduite des murs goutterots et la saillie moins importante des pilastres supports des arcs, la nature différente des maçonneries ainsi que les encadrements de baies de la nef (au sud), sont des signes qui poussent à attribuer à une époque postérieure les structures de la nef actuelles.
La trace de la chaîne d’angle du mur goutterot nord et les témoignages relatifs aux éléments découverts lors de l’aménagement du presbytère, démontrent que la nef charpentée était plus longue d’une travée au moins.

L’étude métrologique :
La recherche métrologique engagée par l’étude systématique de toutes les mesures intérieures et extérieures du monument confirme la partition déjà reconnue par l’analyse des formes.
Les mesures prises dans le chœur, l’abside et le clocher se convertissent de façon quasi parfaite en une canne dont la valeur est extrêmement proche de la « canne lombarde », tandis que dans la nef, aucune conversion n’a pu être obtenue.

Les cannes sont divisées en 8 pans (ou empans) et chaque pan en 8 menus, cette dernière subdivision étant rarement prise en compte dans l’analyse des maçonneries anciennes du fait de sa trop petite valeur.
Les deux étalons les plus souvent rencontrés dans la région sont la canne de Limoux et la canne Lombarde :
La canne de Limoux, dite « ancienne mesure du pays de Razès » est une canne de 1,80 m.
La canne lombarde plus ancienne mesure 1,885 m.

Les conversions des mesures du chevet de l’église Sainte-Marie-Madeleine donnent une valeur moyenne de 1,8856 m, soit un pan de 23,57 cm.

Nous donnons ci-après les principales conversions rapportées au relevé de l’église sur lequel est appliquée la maille d’une 1/2 canne (4 pans) :

Extérieur
Face nord du clocher : 474,0 cm 2 Cannes 1/2 20 Pans
Face est du clocher : 380,0 cm 2 C. 16 P.
Face nord travée de chœur : 480,0 cm 2 C. 1/2 20 P.
Intérieur :
Largeur travée de chœur : 517,5 cm 2 C. 6 P. 22 P.
Profondeur travée de chœur : 282,5 cm 1 C. 1/2 12 P.
Epaisseur arc : 95,0 cm 1/2 C. 4 P.
Ouverture abside : 496,0 cm 2 C. 5 P. 21 P.
Petite largeur travée trapézoïdale : 565,5 cm 3 C. 24 P.
Grande largeur travée trapézoïdale : 610,0 cm 3 C. 1/4 26 P.

PLAN 2

Les légères distorsions reconnues dans les conversions des mesures sont imputables comme toujours aux aléas de mise en œuvre lors de la construction, accentués ici par la présence des enduits de l’abbé Saunière, dont les épaisseurs ne sont pas précisément connues.

A la lumière de ces études parallèles, il est difficile de ne pas reconnaître dans cette partie orientale de l’église, une seule et même campagne de construction englobant la souche du clocher, la travée droite dite « de chœur », la petite travée trapézoïdale et l’abside.
La concordance entre les formes typiques de l’architecture romane d’influence lombarde et les mesures en Cannes Lombardes permettent de proposer le XIè siècle (époque d’expansion de cet art en Languedoc) comme limite extrême à l’origine historique du monument.

ESSAI DE CHRONOLOGIE :

L’édifice primitif :
Le chevet et la souche du clocher :
Les formes et l’appareil du chevet sont, on l’a vu, caractéristiques de l’architecture romane d’influence lombarde qui apparaît dans le Languedoc méditerranéen au cours de la 1ère moitié du XIè siècle (Gellone, Quarante, Lagrasse …).
Pourtant l’église Sainte-Marie-Madeleine n’est citée pour la première fois qu’en 1185 dans les inventaires de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Le clocher, dont le Dr. Buzairies placerait la construction en 1270 (cf. Dossier de recensement A. Signol), paraît pourtant bien appartenir à l’édifice primitif.
L’église du XIè (ou XIIè ?) était probablement constituée du chevet actuel avec son abside en hémicycle, seule partie voûtée, et d’une nef charpentée dont on ne peut aujourd’hui deviner les dispositions originales.

Les transformations antérieures au XIXè siècle :
Le clocher et la nef :
Il semble (toujours d’après A. Signol) que l’église ait eu à souffrir des guerres de religions. Le monument actuel porte, il est vrai, les traces de transformations importantes (parties hautes du clocher, murs goutterots de la nef) qui peuvent être attribuées aux reconstructions de l’après guerres de religions.
Sans doute est-ce à cette époque que furent établis - ou rétablis - les arcs diaphragmes de la nef, dont les maçonneries, très différentes de celles du chevet (pour le peu qu’en ont révélés quelques sondages), sont de moellons bruts grossièrement assisés.

L’édifice de l’abbé Saunière :
Après quelques velléités - restées sans suite - de restauration du monument au cours du XIXè siècle, la véritable transformation de l’église Sainte-Marie-Madeleine est l’œuvre de l’abbé Saunière dans la dernière décennie du siècle : le nouvel édifice imaginé par l’abbé fait presque totalement abstraction du monument antérieur, lequel est relégué à sa face cachée derrière le portail du cimetière.

PLAN 3

M. VERROT
Nov. 1995


PLAN 1

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PLAN 2

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PLAN 3

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